Denise BARRIOLADE
- scipionmichaut
- 3 juil.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 juil.
Un témoignage au cœur de l'organisation du voyage et du Ministère de la Jeunesse en 1985 !

Quel était votre fonction à l’époque du Train et comment avez-vous perçu l’idée de Claude Quenault pour ce voyage transcontinental avec des jeunes de 15 à 25 ans vers la Chine ?
J’étais conseillère technique « jeunesse et éducation populaire » au cabinet d’Alain Calmat, ministre de la Jeunesse et des Sports (août 1984 / mars 1986). Le voyage « Paris-Pékin » a été un des éléments phare de l’Année internationale de la jeunesse, mais naturellement, j’ai eu à suivre et mettre en œuvre avec les services les orientations d’une politique d’ensemble pour ce secteur du ministère.
J’ai évidemment « embarqué » dans le projet de Claude Quenault avec la mission… de suivre ça de près : le directeur du cabinet était très inquiet de ce projet. Je crois pouvoir dire que nos enthousiasmes étaient partagés même si ma manière de travailler était plus… réservée et plus « administrative » que celle de Claude !
Après 4 ans de présidence Mitterrand, pouvez-vous nous rappeler le contexte politique et social en France et diplomatique avec l’Union Soviétique et la Chine en 1985 ?
1984 a été un tournant avec le départ de Pierre Mauroy et l’arrivée de son successeur Laurent Fabius. La France avait traversé une période difficile (forte montée du chômage, problèmes budgétaires…), après une arrivée de la gauche vécue de manière très positive. Toutefois, des grands projets (dans le cadre du MJS) apportaient des éléments constructifs : l’aménagement des rythmes scolaires (en partenariat avec l’Éducation nationale) et… notamment, les nombreux projets mis en œuvre, par le mouvement associatif notamment, pour l’AIJ, avec l’aide de la direction de la jeunesse.
Difficile pour moi, dans mes fonctions, de dire quelles étaient les relations avec l’Union soviétique. En revanche, la Fédération de la jeunesse chinoise avait souhaité, dès 1983*, nouer une relation avec le ministère. C’est ainsi que j’ai accompli une mission en Chine cette année là avec une courte délégation de représentants du CNAJEP. La Chine sortait de la révolution culturelle, Mao avait disparu… on sentait une « respiration » et la parole entre la délégation et nos interlocuteurs chinois était assez libre. Une délégation chinoise est venue en France (en 1985 ?) qui m’a semblé plus contrainte. Il n’y a pas eu de nouveaux échanges par la suite (à ma connaissance).
*en 1983 j’étais au cabinet d’Edwige Avice.
Quelles ont été les principales difficultés pour permettre ce voyage ? En France et/ou en termes de diplomatique ?
J’ai beaucoup accompagné Claude dans ses démarches mais il était « maître » à bord ! Il a fallu se préoccuper de l’intendance : conception de l’appel à projet auprès des jeunes, train à négocier avec la SNCF, formalités pour les passages de frontières, conception des activités à bord et encadrement, organisation du retour des voyageurs... Je n’ai, j’avoue, aucun souvenir des négociations avec le Quai. Et, 40 ans plus tard, j’en viens à me demander si nous avons traversé des moment vraiment difficiles. Mais Claude sait renverser les… murailles !
Y avait-il un objectif diplomatique avec ce voyage ? Vis-à-vis de la Chine ? De l’URSS ?
Notre souci n’était pas de nature diplomatique ou politique. L’objectif était de donner une chance de découverte, de questionnement, d’échanges, de réalisations de projets… à une génération appelée à s’ouvrir sur le monde et à s’y investir. Évidemment la Chine, c’était un monde à peine connu, qui semblait plein de promesses, de confrontations de cultures et d’idées. (Ça n’a pas duré : 1989 : Tian’anmen)
Quels étaient vos autres projets pour l’Année Internationale de la jeunesse ?
Il y en a eu des centaines, de toutes tailles, provenant des grandes organisations de jeunesse ou de petites associations locales. Je retiendrai 2 grands projets à l’initiative du ministère : la 1ère conférence des ministres en charge de la jeunesse des pays du Conseil de l’Europe qui s’est tenue à Strasbourg en décembre 1985, qui a adopté des mesures intéressantes (plus ou moins mises en œuvre ensuite !) ; et la création de la Carte Jeunes permettant de proposer des avantages et réduction (sauf pour le cinéma et les transports -SNCF et Air-France malgré un fort soutien du 1er ministre). Opération abandonnée vers 1995 (il existait des cartes partout !)
Quelle était l’image des jeunes à cette époque et quels étaient les souhaits et les objectifs de votre ministère à propos de cette jeunesse ? Leur rôle social ? Leur ambition ? Leur manque ?
La question majeure qui préoccupait le gouvernement de l’époque était le chômage des jeunes et la situation des jeunes des banlieues. Des actions avaient été mises en place dès 1982 avec la création d’un dispositif appelé « Jeunes volontaires », organisé par des associations poursuivant une activité d'intérêt général, ou des collectivités locales (à temps complet + ½ SMIC et diverses mesures complémentaires). Ce dispositif a produit des effets exemplaires et à ce jour on trouve dans les associations ou collectivités… des responsables de très bon niveau passés par ce dispositif.
Le ministère a accompagné diverses mesures destinées aux jeunes des quartiers (en lien avec l’action de la commission Dubedout) et en particulier pour leur permettre de mener des activités intéressantes et encadrées au cours de l’été) Une politique qui s’est poursuivie durant au moins 2 décennies…
Étiez-vous informée pendant le voyage de nos activités voire nos débordements sur les quais ou ailleurs ?
Pas du tout ! Si j’ai bien assisté au départ du train à Conflans-Sainte-Honorine et à Saint-Lazare (inoubliable !), je suis partie en vacances en Tchécoslovaquie (chez mes amis) où j’ai pu mesurer concrètement les pénuries, les contrôles, l’obligation de surveiller son langage…
En revanche j’ai vu le film (de FR3 ?) et pu constater ce qu’avait pu être la vie à bord !
D’après vous quels sont les faits les plus marquants de ce voyage ? A-t-il eu une influence quelconque sur la politique menée par le Ministère ou ailleurs ?
Je crois que les effets de ce voyage sont sur les participants et pas dans les institutions. Votre titre « que sont-ils devenus? » est d’ailleurs très parlant et juste. Il faut intégrer aussi le changement politique de mars 1986 : on efface tout et on croit tout inventer en prenant les rênes de la politique !
Finalement quel(s) souvenir(s) principal gardez-vous de cette expérience ?
L’enthousiasme, les trucs qui coincent, les succès, le sentiment d’une belle aventure et… bien sûr la rencontre avec Claude !
Propos recueillis en juillet 2025
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